[Tribune d’expert] – L’évolution des solutions MES : entre innovation technologique et réalités industrielles

SOMMAIRE

• Le marché du MES : entre standardisation et personnalisation
• Les défis de l’intégration du MES dans l’écosystème IT industriel
• L’industrie 4.0 et le MES : entre promesses et réalités
• L’intelligence artificielle dans le MES : potentiel et défis
• L’avenir du MES : vers une approche pragmatique de l’innovation

L’industrie moderne est en perpétuelle évolution, cherchant constamment à optimiser ses processus de production pour répondre aux exigences croissantes de qualité, de traçabilité et d’efficacité. Les systèmes de gestion de la production, ou Manufacturing Execution Systems (MES), occupent une place de plus en plus importante dans cette transformation. Creative IT, une PME lyonnaise spécialisée dans les solutions MES, est un acteur clé de ce domaine depuis 25 ans. 

Dans cette tribune, Christian Flachard, Directeur commercial & marketing de Creative IT et Marion Cuillerot, Cheffe de projet marketing chez Creative IT, explorent les spécificités des solutions MES, leur intégration dans différents secteurs industriels, et les perspectives offertes par les nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle (IA).

“En agroalimentaire, une inspection de la marque X peut être facilitée par un MES. Au lieu de rechercher manuellement des informations dans des archives volumineuses, le MES permet d’accéder instantanément aux détails de production d’un lot, améliorant ainsi l’efficacité et la transparence lors des contrôles. Ce sont des points sur lesquels il faut encore travailler pour que les industriels en prennent conscience et entament un changement de process pour intégrer un MES.”

Christian Flachard, Directeur commercial & marketing de Creative IT

Le marché du MES : entre standardisation et personnalisation

Le marché du MES se caractérise par une grande diversité d’offres, allant de solutions prêtes à l’emploi à des plateformes de développement sur-mesure. Cette diversité répond aux besoins variés des industriels, en fonction de leur taille et de leur secteur d’activité.

On peut distinguer trois grandes catégories de solutions MES :

• Les solutions standardisées : Ces produits “prêts à l’emploi”, généralement peu coûteux, offrent des fonctionnalités de base avec peu de possibilités de personnalisation. Ils conviennent aux petites structures ayant des processus simples.
• Les plateformes de développement : À l’autre extrême, on trouve des solutions très flexibles mais nécessitant d’importants développements spécifiques. Elles sont adaptées aux grandes entreprises ayant des besoins complexes et des ressources conséquentes.
• Les solutions configurables : Entre ces deux extrêmes, des éditeurs comme Creative IT proposent des solutions alliant standard et flexibilité. Elles reposent sur un socle éprouvé de fonctionnalités, tout en offrant des outils de configuration avancés.

Cette diversité de l’offre MES peut parfois dérouter les industriels. Il arrive de voir des écarts de prix considérables entre les différentes solutions proposées pour un même projet, allant d’un rapport de 1 à 5.

Les défis de l’intégration du MES dans l’écosystème IT industriel

La mise en place d’un MES représente un projet stratégique pour une entreprise industrielle. Au-delà des aspects techniques, elle soulève plusieurs enjeux organisationnels et humains :

• L’adhésion des équipes opérationnelles
• La gestion du changement
• La formation des utilisateurs
• La fiabilisation des données de base (gammes, nomenclatures)
• L’interfaçage avec les systèmes existants (ERP, automates)

Pour réussir un tel projet, il est important d’adopter une approche progressive, en commençant par un site pilote avant de déployer la solution à l’échelle de l’entreprise (monosite ou multisites). L’accompagnement par des experts métier, au-delà de la simple expertise technique, est un facteur clé de succès.

L’industrie 4.0 et le MES : entre promesses et réalités

Depuis quelques années, le concept d’industrie 4.0 ou « usine du futur » a suscité beaucoup d’intérêt. Il promet une transformation radicale de l’industrie grâce à des technologies comme l’Internet des Objets (IoT), le Big Data, la réalité augmentée ou l’intelligence artificielle.

Dans ce contexte, les éditeurs de MES ont naturellement cherché à intégrer ces innovations dans leurs solutions. Creative IT, par exemple, a investi dans le développement de fonctionnalités liées à la réalité augmentée, la réalité virtuelle, le Big Data, l’IoT et le Cloud.

Cependant, force est de constater que l’adoption de ces technologies par les industriels dans le cadre des solutions MES reste limitée. Plusieurs facteurs expliquent ce décalage entre les promesses technologiques et la réalité du terrain :

• Des besoins fondamentaux non satisfaits : Beaucoup d’entreprises n’ont pas encore résolu les problématiques de base de leur performance industrielle (traçabilité, gestion des stocks, calcul du TRS, etc.). L’adoption de technologies avancées n’est donc pas leur priorité.
• Des contraintes budgétaires : Les investissements nécessaires pour mettre en place ces technologies (serveurs puissants, capteurs IoT, etc.) sont souvent perçus hors de portée, même pour des ETI.
• Des enjeux de sécurité et de confidentialité : L’utilisation de services cloud pour l’IA ou le Big Data soulève des inquiétudes quant à la protection des données industrielles sensibles.
• Un manque de maturité digitale : L’adoption de ces technologies nécessite une culture numérique qui fait encore défaut dans de nombreuses entreprises industrielles.

• La complexité de mise en œuvre : L’intégration de technologies avancées nécessite souvent des compétences spécifiques que les équipes internes ne possèdent pas toujours. Cela peut entraîner des difficultés de mise en œuvre et d’adoption.
• Le manque de cas d’usage concrets et de retour sur investissement démontré : Les industriels attendent des preuves tangibles de la valeur ajoutée de ces technologies chez leurs pairs avant de s’engager dans des investissements conséquents.

L’intelligence artificielle dans le MES : potentiel et défis

L’IA est sans doute la technologie qui suscite actuellement le plus d’intérêt et de questionnements dans le domaine des solutions MES. Si son potentiel est indéniable, son intégration concrète dans les solutions existantes pose encore de nombreux défis.

Parmi les applications potentielles de l’IA dans les solutions MES, on peut citer :

• La maintenance prédictive : utilisation de l’apprentissage automatique pour anticiper les pannes et optimiser la maintenance des équipements
• L’optimisation des processus : analyse des données de production pour identifier les goulots d’étranglement et proposer des améliorations
• Le contrôle qualité : utilisation de la vision par ordinateur et du deep learning pour détecter les défauts de fabrication
• L’aide à la décision : développement de systèmes d’aide à la décision basés sur l’analyse prédictive pour optimiser la planification de la production
• L’automatisation des tâches administratives : utilisation du traitement du langage naturel pour automatiser certaines tâches de reporting ou de documentation

Cependant, l’intégration de l’IA dans les solutions MES se heurte à plusieurs obstacles :

• Les enjeux de sécurité et de confidentialité : L’utilisation de services d’IA dans le cloud soulève des inquiétudes quant à la protection des données industrielles.
• Le coût des infrastructures : Faire tourner des modèles d’IA performants sur une infrastructure interne nécessite des ressources de calcul importantes, ce qui implique des investissements conséquents.
• La qualité et la quantité des données : L’IA nécessite des jeux de données importants et fiables, ce qui n’est pas toujours disponible dans les entreprises industrielles avant la mise en place d’un MES.
• La complexité des processus industriels : Contrairement à d’autres domaines, l’industrie se caractérise par une grande diversité de processus, ce qui peut rendre difficile la généralisation des modèles d’IA.

Face à ces défis, les éditeurs de MES comme Creative IT adoptent une approche prudente. Plutôt que de proposer des solutions d’IA génériques, ils explorent des cas d’usage spécifiques en collaboration avec leurs clients. 

Un exemple d’application est l’utilisation de l’IA pour la traduction automatique des interfaces utilisateur. Dans un contexte de mondialisation, où les usines emploient souvent une main-d’œuvre internationale, cette fonctionnalité pourrait faciliter l’adoption du MES par tous les opérateurs, quelle que soit leur langue maternelle.

“L’objectif serait de pouvoir intégrer rapidement un nouveau collaborateur parlant une langue qui n’est pas encore disponible dans l’application MES, le hongrois par exemple. L’IA pourrait traduire uniquement les sections de l’application pertinentes pour son travail, comme la ligne de conditionnement. C’est actuellement un projet en réflexion.”

Christian Flachard, Directeur commercial & marketing de Creative IT

L’avenir du MES : vers une approche pragmatique de l’innovation

Face à ces constats, quelle stratégie les éditeurs de MES doivent-ils adopter pour répondre aux besoins réels des industriels tout en préparant l’avenir ?

• Consolider les fondamentaux

Avant d’intégrer des technologies avancées, il est nécessaire de s’assurer que les fonctionnalités de base du MES soient pleinement exploitées et optimisées (suivi de production, traçabilité, calcul de TRS, etc.). Cela passe par une amélioration continue de l’ergonomie, de la fiabilité et des performances des solutions existantes.

• Adopter une approche modulaire

Plutôt que de proposer des solutions monolithiques intégrant toutes les dernières technologies, il est plus judicieux de développer des modules optionnels permettant aux clients d’adopter progressivement les nouvelles fonctionnalités en fonction de leurs besoins et de leur maturité.

• Investir dans la formation et l’accompagnement

L’adoption réussie d’une solution MES dépend en grande partie de la capacité des utilisateurs à en tirer pleinement parti. Les éditeurs doivent donc investir dans des programmes de formation et d’accompagnement adaptés aux différents profils d’utilisateurs.

• Privilégier les cas d’usage à forte valeur ajoutée

Plutôt que de chercher à intégrer l’IA ou d’autres technologies avancées dans tous les aspects du MES, il est préférable de se concentrer sur les cas d’usage offrant le meilleur retour sur investissement pour les clients.

• Garantir la sécurité et la confidentialité des données

Face aux préoccupations croissantes en matière de cybersécurité, les éditeurs de MES doivent faire de la protection des données une priorité absolue, en intégrant des mécanismes de sécurité robustes dès la conception de leurs solutions.

“Je pense qu’aujourd’hui 90% des industriels sont convaincus qu’il faut aller vers le digital. Mais, ils sont aussi convaincus qu’il faut moderniser leurs machines, qu’il faut recruter, qu’il faut former, qu’il faut faire attention à l’énergie. Donc ils ont beaucoup de problématiques et des arbitrages à opérer.”

Christian Flachard, Directeur commercial & marketing de Creative IT

Le MES reste un outil essentiel pour les industriels cherchant à optimiser leurs processus de production. Son évolution reflète les transformations profondes que connaît l’industrie : mondialisation, numérisation, recherche de flexibilité et d’agilité.

Si les promesses de l’industrie 4.0 tardent à se concrétiser sur le terrain, elles dessinent néanmoins les contours du MES de demain : plus intelligent, plus flexible, plus intégré à l’ensemble de l’écosystème industriel.

Dans ce contexte, les éditeurs de MES comme Creative IT jouent un rôle prépondérant. Ils doivent à la fois répondre aux besoins immédiats des industriels, tout en les accompagnant dans leur transformation digitale à long terme. C’est en conjuguant innovation technologique et pragmatisme que le MES continuera à créer de la valeur pour l’industrie dans les années à venir.

Cette tribune a été proposé par Creative IT